Du bout des doigts. (Sarah WATERS)
Londres, 1862. A la veille de ses dix-huit ans, Sue Trinder, l'orpheline de Lant Street, le quartier des voleurs et des receleurs, se voit proposer par un élégant, surnommé Gentleman, d'escroquer une riche héritière. Orpheline elle aussi, cette dernière est élevée dans un lugubre manoir par son oncle, collectionneur de livres d'un genre tout particulier. Enveloppée par une atmosphère saturée de mystère et de passions souterraines, Sue devra déjouer les complots les plus délicieusement cruels, afin de devenir, avec le concours de la belle demoiselle de Briar, une légende parmi les cercles interlopes de la bibliophilie érotique. Héritière moderne de Dickens, mais aussi de Sapho et des Libertins, Sarah Waters nous offre une vision clandestine de l'Angleterre victorienne, un envers du décor où les héroïnes, de mariages secrets en amours interdites, ne se conduisent jamais comme on l'attendrait. Un roman décadent et virtuose.
Dès les premières pages, nous sommes plongés dans un quartier populaire de Londres en 1860. Une bande de voleurs cohabite dans une maison délabrée: elle se compose de Mr Ibbs, spécialiste en horlogerie, John, chapardeur assez doué, Dainty, jeune fille simplette qui s'occupe de la maison et de Mme Sucksby qui veille sur tout ce petit monde, et qui recueille des bébés orphelins. Et il y a Sue Trinder, jeune orpheline et petite protégée de Mme Sucksby. Arrive Gentleman, escroc notoire, charmeur et arriviste, qui a une idée imparable pour assurer leur fortune. Pour cela, il a besoin de Sue qui va devenir la servante de Maud Lilly, riche héritière qui vit dans un manoir. Leur vie à toutes les deux ne sera plus jamais la même à compter de ce jour.
Encore une fois, difficile de parler de l'intrigue sans trop en dévoiler. La machination est diabolique, les retournements de situation nombreux et les surprises au rendez-vous. L'ambiance est particulièrement bien travaillée. On se croirait dans un roman de Dickens ou d'Eugène Sue. L'écriture est détaillée, délicate et jamais ennuyeuse. J'ai été un peu déroutée par les nombreux termes d'argot au début du livre mais je suis vite passée outre.
Les personnages de Sue et Maud sont complémentaires, bien qu'issues de condition différente. Elles se comprennent et s'apprécient très vite. La saleté, la médiocrité et l'insécurité du quartier de Lant Street s'oppose à la rigueur, le manque de fantaisie et les rituels du manoir Lilly. Contrairement à ce que le résumé laisse entendre, nous ne sommes pas dans la littérature érotique, qui est juste évoquée. Certes, les jeunes filles rougissent, se frôlent voire plus mais rien de choquant. Le roman se divise en trois parties. Sue est la narratrice de la première et troisième partie alors que c'est Maud qui raconte la deuxième.
Certaines scènes se déroulant en asile d'aliénés m'ont émue par leur atrocité malheureusement véridique.
J'ai eu beaucoup de plaisir à partager la vie de ces personnages très attachants. J'ai savouré ces 750 pages et je referme ce livre à regret.
Du bout des doigts est une découverte que je dois aux bons conseils de Canel.
Les avis d'Opaline, Sophie et Lasardine m'ont convaincue de franchir le pas.
Un énorme coup de coeur